lundi 18 avril 2011

Avignon : des intégristes catholiques détruisent une œuvre d'art vieille de 35 ans


On pouvait trouver la provocation un peu facile et l'intérêt de l'œuvre assez mesuré mais la provocation est parfois le seul sens à donner à une œuvre, la réflexion et les réactions qu'elle suscite étant en soit déjà de l'art.
L'artiste américain Andres Serrano avait remué les intégristes catholiques en exposant sa photographie baptisée "Piss Chris" où un crucifix est plongé dans une sorte d'aquarium rempli de son urine. L'effet visuel est amusant, cela faisait très esthétique gothique et le côté "scandaleux" ne fonctionne que si l'on croit l'artiste qui affirme qu'il s'agit bien de son urine, il aurait pu s'agir de tant d'autres choses comme d'un effet Photoshop quelconque ou de jus de fruit. Mais non,  Andres Serrano insiste bien : ce crucifix baigne dans son urine !
Depuis le début avril, cette photographie faisait partie d'une exposition à la galerie Yvon Lambert d'Avignon sous le titre "Je crois aux miracles" et suscité de nombreuses protestations en provenance de mouvements catholiques et intégristes comme l’Institut Civitas, qui appelle sur son site web à «une oeuvre de reconquête politique et sociale visant à rechristianiser la France» et à «l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples» ainsi que des centaines d’appels téléphoniques et de mails injurieux.
Samedi, le week-end avait débuté avec eu une manifestation réunissant quelque «800 ultra-conservateurs et jeunes intégristes» (selon le propriétaire de la galerie) qui avait poussé la direction à fermer le musée pour la journée. Dimanche la violence des intégristes catholiques a franchi un cap supplémentaire avec la pure et simple destruction de l'œuvre, en tout la "vandalisation" de celle-ci.
L'artiste, qui nous prend un peu pour des idiots, s'est dit très surpris par cette réaction. Franchement comment peut-on s'étonner d'une telle réaction, même si elle est sotte et condamnable, alors qu'une belle part de la communication autour de cette exposition s'était faite au travers de cette œuvre ?
Dans une interview à paraître dans Libération mardi 19 avril celui-ci déclare : «Franchement, je ne m’y attendais absolument pas, surtout en France où je bénéficie de beaucoup de soutiens. Je suis choqué de voir que ce traitement puisse être réservé à une photographie qui a été prise il y a près de trente-cinq ans (…) Dans mon pays, la contestation n’est jamais allée jusqu’à la violence qui s’est exprimée à Avignon. Les titres de mes œuvres ont un caractère littéral et sont tout bonnement descriptifs. Si je réalise un monochrome de lait ou de sang, j’appelle cela "lait" ou "sang". L’intitulé ne contient aucune hostilité envers le Christ ou la religion. Il est simplement une description.»
Mais, comme l'écrit Konmexplik 2 sur un des blogs du Nouvelobs en s'adressant à l'artiste américain : "Oserais-tu donc un barbu dans le vomi exposé à Kaboul, une vache sacrée en dégustation-brochettes à Bombay, voire un paillasson en forme d'étoile de David au nord de la Bande de Gaza ?"
Bonne question qui nous amène à conclure que l'art et n'importe quel intégrisme religieux ne font jamais bon ménage. Voire que la religion n'a qu'un rapport très publicitaire avec l'art qu'elle n'utilise que pour sa propre communication forcément positive envers elle-même et contrôlée par elle-même.

Francis Dedobbeleer

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