lundi 1 août 2011

Damien De Man : la mode fétichiste, gothique et romantique made in France

Lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, dans une soirée gothique (on ne se change pas), Damien De Man m'a tout de suite plu. Il est immense (il fait une tête de plus que moi), a ce côté maladroit des jeunes qui ont grandit trop vite, c'est un gamin (dans le bon sens du terme, il pourrait être mon fils), enfin c'était un gamin car cela date déjà d'il y a quelques années (2006), bavard, passionné, au look gothique affirmé mais qui cache mal une vraie douceur et une gentillesse débordante. On pourrait être effrayé de proposer à un styliste aussi jeune et débutant de défiler à la Nuit Dèmonia, je n'y ai vu qu'une chance à ne pas rater (avant que tout le monde se l'arrache, qui arrivera un de ces jours), que le minimum d'encouragement à donner à quelqu'un qui donnait déjà des signes indéniables de talent, la possibilité de présenter au public fétichiste une ligne différente, moins porno-échangiste (ce n'est pas un jugement de valeur), bref une vision de la mode fétichiste plus proche de mes goûts personnels même si j'ai abandonné pour ma part les tenues les plus excentriques (sans doute la crainte de me sentir ridicule, le gothique quadragénaire a souvent adopté un peu de sobriété au fil des ans).



Plus de cinq ans après cette rencontre, vous ne pouvez pas imaginer la fierté et la joie qui est la mienne d'avoir fait un jour confiance (et qu'il me la rende) à ce grand fou. Chaque année ses créations sont plus belles, ses progrès dans la réalisation de ses créations sont indiscutables alors que son imagination reste intacte et personnelle, il s'est tracé une voie dans la mode fétichiste, il la suit. Ce n'est pas le genre de styliste a changé d'avis sans cesse, il travaille, retravaille, il apprend son métier, il en découvre les pièges et les difficultés mais, lui, n'abandonne pas. Il s'accroche et surtout, il nous accroche, le regard et le désir.



Curieusement, adolescent, Damien De Man a d'abord détesté la mode, il ne s'y reconnaissait pas, il a allait allait créer lui-même les modèles dont il rêvait, lui qui n'y connaissait rien pourtant, ni en couture, ni en réalisation de patrons et, encore moins, au milieu de la mode. Damien De Man s'inscrit aux Cours Franco Américain de Colette Nedellec qui a formé notamment Dominique Sirop, Richard Razinski, bras droit de Pierre Cardin et bien d'autres. Elle appréciait ses idées originales mais ne les trouvait pas assez commerciales, Damien ne se souciait pas assez de la mode et des codes, ce qui lui fermé ces portes, enfin celles de la mode traditionnelle. Il aurait pu laisser tomber les bras mais une rencontre avec Jeremy Scott, créateur anglais, qui s'est mis à lui parler du mouvement gothique et lui a conseillé de se lancer en découvrant sans se soucier du milieu de la mode en préparant un book assez sombre où il pourrait laisser s'exprimer son goût pour de groupes comme Nirvana, trash ou punk.
Nous étions au début 2006, l'entrée dans le monde de la mode allait se faire par une porte dérobée, vous savez la petite porte de derrière, celle qui n'est pas éclairée et qui vous fait débouler en plein centre de la piste de danse sous les strobos, les riffs de guitares désespérés et les beats electro assourdissants. Et là, pas de problème, le milieu gothique est patient et ouvert aux imperfections tandis que le milieu fétichiste manque cruellement de nouveautés. Deux paramètres qui vont lui permettre de s'épanouir, d'apprendre petit à petit le métier, sans trop de pression financière ou médiatique. Les petites et les grandes scènes des soirées gothiques et fétichistes vont se succéder. Il suffit de voir avec quel enthousiasme toute une série de modèles le suivent fidèlement pour présenter ses créations dans des soirées et des conditions techniques souvent difficiles, pour comprendre que le charme de ses créations fonctionne à plein. Il y a des talents que l'on prend vraiment plaisir à défendre.



Là où n'importe quel jeune styliste fétichiste français choisit de travailler le latex, les couleurs et les modèles exclusivement en 34-36 (le fameux complexe de la scène fétichiste branchouille hexagonale qui nous pond des clones de la création britannique en série oubliant au passage de se forger une vraie personnalité), Damien De Man utilise le vinyle et tous les tissus mêlant plastique, synthétique, coton et dentelles (il détourne bon nombre de tissus de leur usage premier) pour créer ses séries, ses lignes de modèles, des déclinaisons sur un même "je t'aime". Chaque série représente quelque chose de personnel, par exemple la série "Venima Skin" qui parle de sa phobie des serpents et autres reptiles, la série "Devilyn" de la passion avec ses modèles à tête de démon qui représentent le charme, sur ces robes le ventre est découvert, c'est pour lui le symbole de la fertilité et de la puissance, une autre idée du pouvoir. "Modern Romantikks", quant à elle, associe l'univers rêveur d'un Pierrot désabusé qui serait torturé par une Colombine qui hante ses pensées et ses fantasmes.
Ce sont ces séries que vous découvrirez en tout ou en partie au cours de deux évènements majeurs de la scène fétichiste parisienne : la Nuit Élastique du 14 août pour un défilé long, proche du public et préparatoire de celui, plus court mais plus explosif, qui aura lieu dans le cadre de la Nuit Dèmonia du 15 octobre. Deux occasions de découvrir les créations de Damien De Man mais aussi de le rencontrer. Il n'est ni timide, ni froid, ni distant, c'est un artiste avec lequel il est facile d'échanger et de converser.
Sans doute saura-t-il vous embarquer, vous aussi, dans son univers noir, sexy et romantique. C'est tout ce que je vous souhaite.

Francis Dedobbeleer

© Photos : Had3sia & Hervé Guesney.

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