dimanche 31 mars 2013

Billet d'humeur / C'est très joli mais... on l'a vu mille fois !

On pourrait accuser internet, on pourrait accuser les appareils photos numériques mais serait-ce légitime ? L’édition papier, celle de beaux livres, recueils de photographies fétichistes n’est peut-etre pas morte mais elle est en tres mauvaise santé. Taschen s’est casse les dents en publiant plusieurs ouvrages consacres a de grands photographes fétichistes, les jeunes artistes se voyaient deja leur succéder et voila que la plus grosse machinerie en matiere d’édition décide purement et simplement de ne plus publier de photographe fétichiste : les ventes sont définitivement bien trop médiocres.
Alors que nous pensions le genre populaire et apprécie, la réalite économique nous fait découvrir que tout cela est devenu tellement banal que c’est… invendable. Eh oui, banal, vu mille fois, c’est bien la que se situe le principal défaut de la photographie fétichiste actuelle. Tout le monde s’y met, tout le monde adopte les memes codes, tout le monde prend les memes poses, tout le monde fait la meme chose, on ne distingue plus les photographes entre eux et ne parlons pas des fetish modeles qui semblent sortir d’une usine de clonage.

Vous pensez que je me moque gratuitement ? Vous pensez que je suis jaloux ? Peut-etre mais permettez-moi juste de tenter de vous expliquer le mode d’emploi de la photo fetish actuelle et dites-moi apres lecture si je me trompe.

• Prenez un jeune homme (le photographe) et une jeune femme (la modele), c’est moins anodin que vous pourriez le croire ce genre de precision.
• Le photographe comme le modele sont d’anciens gothiques mais depuis ils sont alles a la Torture Garden où ils découvert un nouvel univers qui « leur correspond tellement mieux ». Depuis ils adorent le latex mais « ce n’est pas sexuel ».
• Pour decor choisissez une usine desaffectee, un mur couvert de tags, le salon de la grand-mere pour la confrontation entre esthetisme classique et la « modernité » fétichiste, une salle de bain.
• Pour les fringues tournez-vous systematiquement vers les createurs de mode latex anglais ou allemands, voire autrichiens
• Attention, n’oubliez pas d’agrementer la jolie tenue de la fetish modele d’un petit detail « surprenant » : un petit n≈ìud rose, un masque a gaz, un sac Hello Kitty, un revolver, une grosse fleur dans les cheveux…
• Mais attention, tres important, pas de sexe, nous sommes ici en terrain quasiment religieux, une sorte d’intégrisme fétichiste et manifestement pour la majorité le fétichisme c’est « no sex » : pas de sexe visible (surtout masculin considere ici comme l’horreur absolue), pas d’anus, un minimum de fesses, parfois un téton mais pas trop expose…
• Maintenant le photographe nous fait un petit cadrage « original » en se couchant par terre, en montant sur une chaise, en cadrant en diagonale pendant que la fetish modele fait une grimace et prend la pose (au choix : une jambe en l’air, les doigts et les bras écartés, la bouche en forme de cœur, genre « mais que me voulez-vous ? » ou « oh mais je n’ai meme pas fini de me maquiller »).
• Et voila, il ne vous reste plus qu’a poster tout cela sur votre site personnel et vous voila soit devenu photographe fetish, soit fetish modele. Le principe etant que tout le monde est bénévole ici : la modele pose gratuitement en échange des photos et vice-versa. On retrouve donc la série de photos sur deux sites systématiquement.
• Et la semaine suivante on refait pareil sauf que l’on change de modele ou de photographe, c’est selon.

Résultat, il y a désormais des centaines de photographes et de modèles fétichistes dans toute l’Europe et aux Etats-Unis qui fonctionnent toutes et tous selon ce même modèle et dont l’unique obsession semble de multiplier les séances photos : chaque modèle se doit de poser pour le plus de photographes possible et chaque photographe veut immortaliser le plus grand nombre de modeles. La jalousie est ici un moteur bien plus important que le désir reel, que la recherche ou l’envie de quelque d’original, de neuf et de personnel. Il faut vraiment etre très très fort pour distinguer les uns des autres la-dedans.
Bon, et maintenant le petit truc qui va vous faire passer quelques heures très agréables, comment trouver toutes ces photos :
• direction Google : tapez « fetish photography », « fetish model », ajoutez au besoin quelques mots tels que latex, glamour, fashion, burlesque…
• une fois le site d’un photographe ou d’une modèle ayant de nombreuses galeries trouve gardez-le dans vos favoris et relevez-vous tous les noms qui s’y trouvent, en les entrant dans Google, voire en ajoutant un .com derriere le nom vous tomberez sur de nouvelles galeries toujours aussi gratuites. Vous pouvez y passer des heures voire des jours.

Comme moi vous admettrez que tout cela est très très joli mais… que c’est vraiment toujours la meme chose.
Mais ne vous inquiétez pas il y a 5 ans ils affirmaient etre de pures gothiques n’ayant aucun lien avec le milieu fétichiste, aujourd’hui ils se définissent comme de vrais fétichistes, demain ils finiront par découvrir qu’ils aiment le sexe. C’est juste une affaire de patience.

Post scriptum : Ce billet d’humeur aura fait des dommages colateraux d’une amplmeur gigantesque ! Deux personnes, un photographe et une modele, se sont sentis personnelemment vises par ce billet. Et ce qui est magique c’est que je ne connaissais les photos ni de l’un, ni de l’autre. Le premier a decide de ne pas exposer ses photos dans une soiree afin de ne pas avoir a me croiser et tous les deux ont décidé de boycotter la grande soirée fétichiste de l'année. Le premier ne couvrira donc pas l’évènement et la seconde ne défilera comme c’etait initialement prevu. Et voila, c’est tout. Terrible, non ?
Post scriptum : En relisant ce billet deux ans plus tard, je me dis qu »il reste toujours pour partie d’actualité, même si plus grand monde ne se prend pour une star chez les fetish modèles, mais surtout que je ne me souviens plus du tout des deux personnes que celui-ci avait fâchée à l’époque. Et je vous jure que c’est vrai. Si ça se trouve, elles étaient à la Croisière Élastique cette année…

Francis Dedobbeleer